Guy Thibault, Ph.D., Direction du sport et de l'activité
physique
Angelo Tremblay, Ph.D., Division de kinésiologie, Département de
médecine sociale et préventive, Université Laval
François Péronnet, Ph.D., Département de kinésiologie, Université
de Montréal
Quel rôle peut jouer l'activité physique dans le contrôle du poids?
Le point sur les mythes et la réalité.
MAIGRIR LOCALEMENT : LE MYTHE
Les femmes aux fortes cuisses, tout comme les hommes
bedonnants, sont souvent exploités par des charlatans qui leur promettent
de maigrir localement par toutes sortes de trucs : application de
pommades, crèmes et décoctions diverses, massage et stimulation
électrique. Le truc le plus en vogue, ce sont les fameux « exercices
pour le ventre » et « exercices pour les cuisses ».
LA RÉALITÉ
Il n'est pas possible de « faire fondre » la graisse
d'une région donnée du corps en effectuant des exercices sollicitant
les muscles de cette région. Pour que l'exercice puisse faire maigrir
localement, il faudrait que les muscles utilisent comme carburant
le gras provenant des réserves voisines de graisse. Il faudrait,
par exemple, que les muscles abdominaux utilisent de préférence
les gras accumulés sous la peau du ventre ou dans l'abdomen. Or,
ce n'est pas possible, car il n'existe pas d'échanges directs entre
la graisse sous-cutanée et les muscles voisins. En effet, il n'y
a pas de vaisseaux sanguins qui se rendent de la graisse accumulée
sous la peau du ventre jusqu'aux muscles abdominaux.
Lorsque le gras est libéré des cellules de gras accumulées sous
la peau du ventre, il est déversé dans la circulation sanguine,
puis les veines l'emportent vers le cœur. Il est alors mélangé
avec le gras provenant des autres régions du corps et distribué
à l'ensemble de l'organisme par la circulation artérielle. Lorsque
vos muscles abdominaux travaillent, par exemple lorsque vous faites
des redressements assis (sit-ups), ils ne peuvent utiliser le gras
provenant de la graisse accumulée sous la peau du ventre ou dans
l'abdomen. Ainsi, lorsqu'un muscle travaille, il ne fait pas maigrir
la région voisine, mais il permet de réduire l'ensemble des réserves
de graisse.
LA CLÉ : UN BILAN ÉNERGÉTIQUE NÉGATIF
Pour perdre de la graisse, quoi qu'en disent certains
charlatans, il faut que l'apport énergétique par l'alimentation
soit moindre que la dépense énergétique. Il faut donc manger moins
ou dépenser plus, ou les deux. (L'idéal est qu'un tel bilan énergétique
négatif soit le résultat spontané de saines pratiques alimentaires
et d'activité physique.)
Par exemple, si votre dépense calorique journalière qui est la somme
de votre métabolisme de base (60 à 75 %) et de l'énergie dépensée
pour la digestion (10 %) et pour les activités physiques (15 à 30
%) est de 2500 kcal et que vous suivez une diète hypocalorique de
2000 kcal, votre déficit journalier sera théoriquement de 500 kcal,
soit 3500 kcal par semaine, ce qui correspond à environ 400 grammes
de graisse. À ce régime (excusez le jeu de mots facile), vous aurez
théoriquement perdu à peu près 1,6 kg de graisse au bout d'un mois.
Voilà pour la théorie.
LE CERCLE VICIEUX DES RÉGIMES AMAIGRISSANTS
Toutefois, les personnes qui se mettent à la diète
sans augmenter leur activité physique verront leur métabolisme de
base (c'est-à-dire la quantité d'énergie dépensée pour assurer les
fonctions vitales) diminuer, d'où le cercle vicieux : moins elles
mangent, moins elles dépensent d'énergie, si bien qu'elles peuvent
avoir de plus en plus difficulté à susciter un bilan énergétique
négatif.
DÉPENSER PLUS D'ÉNERGIE
Les personnes qui mettent plutôt l'accent sur l'augmentation de leur dépense énergétique par l'exercice physique en retirent plusieurs avantages.
SYNTHÈSE DES EFFETS DE L'ACTIVITÉ PHYSIQUE ET DE LA DIÈTE SUR LA COMPOSITION CORPORELLE
Stratégie amaigrissante |
Masse maigre |
Masse grasse |
Diète hypocalorique |
Diminue un peu |
Diminue moyennement |
Activité physique aérobie |
Reste inchangée |
Diminue un peu |
Diète hypocalorique et activité physique aérobie |
Reste inchangée |
Diminue beaucoup |
Musculation |
Augmente |
Reste inchangée |
À noter cependant qu'il existe une importante variation
interindividuelle de la réponse à l'entraînement physique. Cela
signifie que pour certaines personnes, les bénéfices présumés d'un
programme d'activité physique visant l'amélioration de la composition
corporelle pourraient ne pas être aussi importants que pour d'autres
personnes, même si on les expose régulièrement au bon stimulus d'entraînement.
Chose certaine, les personnes qui veulent se débarrasser de leurs
bourrelets doivent avoir une alimentation saine, c'est-à-dire variée
et équilibrée, et mettre l'accent sur les activités à dépense énergétique
élevée et non sur les fameux exercices « pour le ventre » et « pour
les cuisses ». Toutes les activités dites « aérobies » le vélo,
le ski de fond, le jogging, la marche rapide et le patinage, sont
celles qui sont les plus appropriées pour perdre du poids. En faisant
travailler d'importantes masses musculaires, elles induisent un
travail musculaire intense, mais avec un risque plutôt faible de
courbatures ou de blessure.
Par ailleurs, lorsqu'on augmente sa dépense énergétique par l'activité
physique, il faut veiller à ne pas se suralimenter. On a démontré
qu'un exercice vigoureux d'une heure peut être suivi d'un bilan
énergétique positif sur une période de deux jours s'il est suivi
par un libre accès à une alimentation riche en lipides, ce qui peut
expliquer pourquoi il arrive parfois que certaines personnes prennent
du poids alors qu'elles augmentent leur volume d'activité physique.
ZONE OPTIMALE D'INTENSITÉ : LE MYTHE
Dans le milieu sportif et celui des centres de conditionnement
physique circule l'idée qu'il existe une intensité optimale d'entraînement
qui maximiserait la perte de graisse. Cette croyance vient de l'observation
suivante : plus l'intensité de l'exercice est élevée, plus le «
mélange de carburant » est composé de sucre et moins il est composé
de gras; par contre, plus l'intensité est faible moins on dépense
d'énergie.
L'intensité optimale serait donc assez élevée pour s'accompagner
d'une dépense d'énergie appréciable, mais pas trop élevée afin de
puiser davantage dans les réserves de gras que dans celles de sucre.
Ainsi, selon ce raisonnement, la personne qui souhaite perdre de
la graisse aurait avantage à s'entraîner à une intensité qui se
situerait entre 40 et 60 % de la puissance aérobie maximale (PAM),
soit entre 40 et 60 % de la réserve cardiaque (ex. entre 110 et
140 bpm pour une personne dont les fréquences cardiaques de repos
et maximale sont respectivement de 50 et de 200 bpm).
LA RÉALITÉ
Cette croyance ne résiste pas à l'analyse rigoureuse.
En fait, ce sont plutôt les séances d'entraînement à haute intensité
(en continu) ou celles comprenant des pointes d'effort à très haute
intensité (en intermittence) qui, à condition d'être suffisamment
longues, provoquent l'effet amaigrissant le plus important. Avant
de préciser pourquoi, il faut tout de même admettre que plus l'intensité
est élevée, moins on peut maintenir l'effort longtemps. Ceci explique
pourquoi on a traditionnellement recommandé aux personnes qui ont
un surplus de poids de faire des séances à faible intensité, mais
très longues (ce qui ne convient pas à tout le monde).
Si on peut aujourd'hui affirmer que les séances à intensité élevée
ont un effet amaigrissant au moins aussi prononcé que celles à intensité
moins élevée, c'est surtout parce que des études récentes ont démontré
que la quantité de graisse qui sera utilisée pendant les heures
qui suivent la séance d'entraînement sera beaucoup plus grande si
l'exercice a été effectué à intensité élevée. Ainsi, dans plusieurs
études on a démontré qu'il n'y avait pas de différence significative
de la perte de poids selon que les sujets dépensaient des calories
en effectuant des séances brèves à haute intensité ou des séances
longues à faible intensité. Voici la conclusion de l'une de ces
études, menée par l'équipe du Dr Grediagin à Fort Louis (Washington,
États-Unis) : « Les personnes qui désirent perdre de la graisse
et qui disposent d'une période de temps limitée ont intérêt à s'entraîner
de manière sécuritaire à une intensité la plus élevée possible pendant
la période de temps dont ils disposent ».
L'ENTRAÎNEMENT PAR INTERVALLES COURTS
Une étude menée à l'Université Laval a montré qu'un
programme de brèves séances d'entraînement par intervalles courts
d'intensité très élevée (15 semaines seulement) s'accompagnait d'une
plus grande perte de graisse qu'un programme de longues séances
d'entraînement continu à intensité moyenne (20 semaines). Exprimée
au prorata du nombre de calories dépensées, la perte de graisse
du groupe d'entraînement à intensité élevée était neuf fois plus
grande que celle du groupe à intensité moins élevée. L'avantage
de l'entraînement par intervalles courts s'expliquerait par une
plus grande combustion de gras et une diminution sensible de l'appétit
dans les heures qui suivent les séances.
CONSEILS POUR PERDRE DU POIDS
MISE EN GARDE
Évitez de tomber dans l'excès. L'anorexie est un problème
grave qu'il ne faut pas prendre... à la légère!
Référence
Comité scientifique de Kino-Québec (2005) Activité physique et contrôle
de la masse corporelle (Avis), ministère de l'Éducation, du Loisir
et du Sport. (En préparation)
Grediagin A et al. (1995) Exercise intensity does
not effect body composition change in untrained, moderately overfat
women J Am Diet Assoc 95:661-5.
Tremblay A et al. (1994) Diet composition and postexercise
energy balance Am J Clin Nutr 59(5):975-9.
Tremblay A, JA Simoneau et C Bouchard (1994) Impact
of exercise intensity on body fatness and skeletal muscle metabolism
Metabolism 43:814-8.